La planète est aujourd’hui confrontée à une crise sanitaire dont la durée et les répercussions sont encore difficiles à évaluer. Nous, assureurs, sommes conscients de la détresse des entrepreneurs dont l’activité s’est arrêtée du jour au lendemain, avec une violence qui ne peut évidemment laisser personne insensible. Il est donc indispensable de tirer rapidement les premières leçons de cette crise et de bâtir ensemble un dispositif qui permettra, à l’avenir, de mieux protéger les entreprises.
Les assureurs se sont fortement mobilisés pour contribuer au mouvement de solidarité nationale. Aujourd’hui, ils participent très activement à la relance à travers un programme d’investissements massif, orienté en priorité vers les secteurs de la santé et du tourisme. Mais il est de notre responsabilité de dire la vérité : une catastrophe sanitaire de l’ampleur de la Covid-19 n’est pas assurable par la seule assurance privée : le principe fondateur de notre métier est la mutualisation, qui n’est pas compatible avec le « tous sinistrés au même moment ». L’assurance est là pour accompagner, réparer, indemniser dans le cadre de ses contrats, ce qu’elle a fait massivement dans cette crise. Mais elle ne peut pas tout.
La situation que nous traversons conduit déjà des réassureurs – sans qui les assureurs ne peuvent pas gérer les risques majeurs – à exclure la pandémie explicitement de tous leurs contrats et dans le monde entier. Le message est on ne peut plus clair : les assureurs ne peuvent pas prendre seuls le risque de couvrir les dommages économiques engendrés par une pandémie ou par tout autre risque de même ampleur. Il en va de la solidité même de nos entreprises d’assurance et de notre capacité à tenir nos engagements vis-à-vis de nos assurés.
Dans cette crise, les contrats d’assurance pertes d’exploitation ont été lus à la lumière de la pandémie actuelle. Devant l’incompréhension de beaucoup, l’ACPR – l’organe de contrôle de la Banque et de l’Assurance – a mené une enquête sur les garanties pertes d’exploitation et leur intervention dans le cas d’événements exceptionnels tels que le coronavirus ; cette enquête conclut que 3 % des contrats s’appliquaient et que, pour 4 % d’entre eux, les clauses ne permettaient pas de conclure avec certitude à une garantie. Dans les 93 % de cas restants, en revanche, la pandémie était clairement exclue des contrats.
A la suite de cette étude, l’ACPR a appelé les assureurs à « revoir pour l’avenir la rédaction de toutes les clauses contractuelles ambiguës et à préciser l’architecture générale des contrats afin d’informer clairement les assurés de l’étendue exacte de leurs garanties ». En réponse à cette demande de l’ACPR et à la décision prise déjà par les réassureurs, les assureurs sont en train de préciser, pour les contrats qui le justifient, l’exclusion de la pandémie. Il doit désormais être clair que nous, assureurs et réassureurs privés, ne pouvons pas seuls porter un tel risque.
L’invention de nouvelles solutions assurantielles n’arrêtera pas la pandémie mais peut contribuer à notre résilience collective. Il nous faut agir et trouver des solutions sans attendre. C’est pourquoi, comme nous nous étions engagés à le faire, nous avons remis au Gouvernement dès le mois de juin dernier des propositions pour construire ensemble un dispositif de protection contre des catastrophes exceptionnelles. Nous, assureurs, sommes prêts à prendre notre part de risque, mais sans partenariat de l’Etat nous ne pourrons pas être en mesure de venir en aide aux victimes d’une catastrophe exceptionnelle : la protection financière contre ce type de « macro-dommage » ne peut être trouvée qu’au travers d’un partenariat public-privé.
Il y a donc urgence à mettre en place ces solutions car notre devoir de transparence nous oblige à le dire : si une telle crise devait se reproduire aujourd’hui, nous nous retrouverions de nouveau sans solution de protection pour les entreprises qui en seraient victimes.
Florence Lustman, présidente de France Assureurs